Chronique : Casey - How To Disappear
Suite à un hiatus de plusieurs années, le groupe Casey a dévoilé ce vendredi un nouvel et troisième album, How To Disappear (Greyscale Records / Hassle Records). Et quel album… Le penchant qu’a le quintette gallois pour les émotions associées à sa musique est un fait connu, mais cette fois, le mélange est relevé ! Tom Weaver met toujours ses expériences personnelles au service de sa plume, et le quatuor – Liam Torrance, Toby Evans, Adam Smith et Max Nicolai – s’est rassemblé autour du chanteur et a porté ses mots comme ils le méritent. Ce que je reproche aux albums précédents est le manque de mélodies accrocheuses et abouties, comme ce que l’on peut entendre sur How To Disappear. Ici, l’ADN de Casey est « belle » et bien présente, et c’est ce dont j’avais besoin pour pleinement vivre et ressentir mes retrouvailles avec le groupe. Il contient ce petit truc en plus qui me fait penser que How To Disappear peut d’ores et déjà être un prétendant sérieux pour le top de fin d’année.
La maturité acquise par Casey au fil des années est directement liée à la vie personnelle de Tom Weaver. Les thèmes évoqués dans How To Disappear sont la mort, le chagrin, et l’impact de notre disparition sur nos proches. Une sorte d’intersection entre existence et douleur. Aussi énigmatique qu’elle soit, il est implicitement question d’humanité et d’amour. Comme dans sa musique, Casey montre une évolution dans son lyrisme : les sujets abordés sont effectivement plus universels et permettent au plus grand nombre de se sentir concerné.
« It's so stupefying knowing that one day your life will be forgotten. »
D’une séparation prématurée et inattendue en 2018 à une amitié retrouvée entre les musiciens, on peut avoir l’impression que Casey a traversé un nombre incalculable d’épreuves dans sa toute jeune carrière, semblables à des montagnes russes. C’est également ainsi que je décrirais sa musique. Ainsi, la première piste « Unique Lights » commence par une atmosphère sereine sur laquelle l’ensemble instrumental construit l’une des chansons les plus émotionnelles de l’album. Entre dynamisme sur le refrain par des notes vocales aiguës et une grande vulnérabilité exposée, on a la sensation qu’on ne ressortira pas indemne de cet exercice.
Si on reconnaît bien la patte de Casey sur la majorité des titres, le groupe a quand même expérimenté, notamment avec le shoegaze sur « Sanctimonious », ou encore des éléments pop sur « Bite Through My Tongue », mêlés à un rythme rapide. Choisi comme single, ce titre incarne d’ailleurs l’âme de How To Disappear. Sur « Selah », dernier single dévoilé avant l’oeuvre complète, on assiste à une puissance progressive, de l’intro jusqu’à la fin, l’apogée. Il est très plaisant de pouvoir écouter chacun des musiciens avoir son moment, être mis en valeur d’une façon ou d’une autre.
« I pray that the impression that I've made upon the Earth will be suffice to eulogize when I'm no longer here »
Sur « Those That I’m Survived By », la voix de Tom est portée par une batterie délicate, ainsi que des riffs de guitare aériens. L’ambiance change au fur et à mesure que l’ensemble instrumental joue plus fort. Les screams sur le pont du morceau sont bruts, désespérés, et on imagine l’âme du chanteur mise à nu. Pour calmer ses émotions, l’interlude « St. Peter » au piano / voix est bienvenue… mais « Puncture Wounds To Heaven » nous plonge davantage dans le torrent d’une rude vérité et de violentes secousses mentales. Sur cette chanson, la performance vocale de Tom est excellente, entre les graves, les aigus, le chant scream, le chant clair… J’adore ce morceau pour sa vulnérabilité, sa façon de nous pousser dans nos retranchements, de même que la dernière partie du titre « Space Between ».
« How To Disappear », qui donne son titre à l’album, clôt ce chef-d’oeuvre et nous laisse à nos pensées. Après nous avoir inspiré chagrin, apathie et un rejet de soi, ces dernières minutes nous aident à combattre cette solitude et ces sentiments qui court-circuitent notre esprit. Cette lueur de croissance, d’espoir perce et démêle le coussin de négativité cousu tout au long des onze titres précédents. Juste avant le dernier refrain, dans le pont, les paroles « Lately I haven’t been myself at all » font écho à cet état d’esprit. Le refrain de la toute fin de la chanson nous attire inévitablement et nous enjoint à répondre à la question « How to disappear? ».
« Is it true that I am such a waste, that I am easy to ignore? »
Vulnérable dans ses émotions, éloquent dans son expression et criant de justesse, de sincérité, How To Disappear marque un retour en force de Casey. Capables de mieux communiquer entre eux, les musiciens se sont réellement alliés pour créer une oeuvre d’art à la hauteur de leur talent. How To Disappear est porteur d’espoir face aux émotions parasites de notre santé mentale. Tom Weaver articule ses émotions négatives avec pertinence, et les dévoile au grand jour, de même que ses côtés les plus sombres et enfouis. Chaque titre rencontre le suivant dans un esprit de progression, d’évolution, et pourtant, chacun à part entière est une démonstration de brutalité et d’authenticité. Casey avait besoin d’un album tel que How To Disappear pour avancer et montrer aux yeux du monde qu’il lui restait des choses à exprimer. Avec lui, la formation galloise continue d’incarner ses valeurs fondamentales qui ont fait son succès et reste fidèle à sa créativité.
Casey
How To Disappear
Origine : Pays de Galles
Date de sortie : 12.01.2024
Labels : Hassle Records / Greyscale Records
Genre.s / sous-genre.s : rock, post-hardcore
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